[Doctorant] Clémence Huck

[Doctorant] Clémence Huck : Évaluer les impacts environnementaux de la digitalisation en agriculture

Sujet de thèse labellisé par #DigitAg

Évaluer les impacts environnementaux de la digitalisation en agriculture : application de l’analyse du cycle de vie comparative aux pratiques agricoles actuelles

Soutenance de thèse le 27 novembre 2025, 14h, en amphithéâtre Philippe Lamour (Bâtiment 9, Campus la Gaillarde)

Je travaille sur l’évaluation environnementale de l’usage des outils numériques en agriculture par l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), sur le projet Occitanum. Après deux années en classe préparatoire BCPST, j’ai intégré l’école d’agronomie de l’Institut Agro Montpellier pour obtenir le diplôme d’Ingénieur agronome. Je me suis spécialisée dans les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en dernière année de mon parcours en suivant la formation AgroTIC. Je suis désormais en thèse sur une thématique pluridisciplinaire qui lie à la fois agronomie et sciences de l’environnement.

Les outils et services numériques peuvent servir de levier pour accélérer la transition agroécologique de l’agriculture car ils apportent des solutions répondant à des problématiques environnementales, sociales et économiques. Un point central du projet Occitanum est l’évaluation des apports mais aussi des coûts et impacts inhérents à l’usage des solutions numériques par les agriculteurs, pour produire des références technico-économiques, sociales et environnementales. C’est dans ce dernier axe que s’inscrit cette thèse. L’Analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation environnementale normée et reconnue par la communauté scientifique pour quantifier les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service selon une perspective cycle de vie (de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets) et multicritère, i.e. considérant une large gamme de catégories d’impacts. Cependant, la mise en œuvre de l’ACV pour évaluer les impacts environnementaux liés à l’usage des technologies numériques en agriculture soulève un certain nombre de questions (sur les objectifs, la méthode, les données, l’interprétation ou encore l’utilisation opérationnelle des résultats) qu’il convient d’adresser pour apporter des arguments solides aux usagers, aux fournisseurs ou aux décideurs publics. L’objectif de la thèse est ainsi de proposer un cadre méthodologique d’évaluation environnementale appliqué aux changements de pratiques des agriculteurs induits par l’usage du numérique. Ce cadre d’évaluation permettra de fournir des métriques aux usagers (agriculteurs, conseillers) mais aussi aux fournisseurs ou aux décideurs publics pour accompagner la transition agroécologique.
Les outils numériques sont progressivement introduits en agriculture et malgré la promotion de l’agriculture numérique par de nombreuses institutions (internationales et nationales), leurs impacts environnementaux sont rarement évalués. Il est donc important d’apporter un cadre d’évaluation environnementale afin de mesurer leurs impacts. Ma motivation pour ce sujet est lié à mes valeurs environnementales.

  • Date de démarrage : 1er octobre 2022
  • Date de soutenance : 27 novembre 2025
  • Unité: Itap, Inrae
  • Université: Université de Montpellier
  • Ecole doctorale: GAIA
  • Discipline / Spécialité : Sciences de l’environnement, agronomie
  • Directeur de thèse: Eléonore Loiseau et Véronique Bellon-Maurel, Itap, Inrae
  • Encadrant(es): Thibault Salou et Alexia Gobrecht, Itap, Inrae
  • Financement: Projet « Territoires d’Innovation Occitanum » 
  • #DigitAg: Axe 1 : Impact des technologies de l'information et de la communication sur le monde rural, Axe 6 : Modélisation et simulation (systèmes de production agricole), Challenge 7 : Intégration de l’agriculture dans les chaînes de valeur

Mots-clés : Analyse du cycle de vie (ACV), agriculture numérique, performances environnementales, transition agro-écologique, digitalisation

Résumé : L'agriculture numérique, qui repose sur l'utilisation des technologies numériques agricoles (Digital Agriculture Techologies, DAT), est considérée comme un moyen de réduire les impacts environnementaux de l'agriculture, un secteur qui a déjà franchi plusieurs limites planétaires. Pourtant, comme dans d'autres secteurs, la digitalisation peut aussi bien réduire ou aggraver les pressions environnementales. Malgré un intérêt croissant, les impacts environnementaux de l'agriculture numérique restent peu connus, d’où la nécessité de méthodes d'évaluation environnementale standardisées telles que l'analyse du cycle de vie (ACV). L'application de l'ACV aux technologies numériques dans le secteur agricole soulève cependant des défis spécifiques, tels que la modélisation du cycle de vie des DAT, ou la prise en compte des modifications des pratiques induites par l'utilisation des DAT.
Cette thèse vise à déterminer si la digitalisation en agriculture modifie les impacts environnementaux des systèmes de production agricole, en mobilisant l'ACV comme cadre méthodologique. Premièrement, une revue systématique a synthétisé les connaissances actuelles des impacts environnementaux des DAT, en identifiant les technologies les plus étudiées et les incohérences méthodologiques dans leur évaluation environnementale. Deuxièmement, trois cas d'usages contrastés ont été analysés afin de déterminer dans quelle mesure (i) le cycle de vie des DAT et (ii) les changements des pratiques qu’ils engendrent contribuent aux impacts environnementaux : une sonde d'humidité du sol pour la gestion de l’irrigation d'un verger de pommiers, un système d’autoguidage pour le désherbage mécanique en viticulture et un robot multitâche pour la production de haricots verts. Leurs impacts environnementaux ont été évalués avec une ACV comparative, puis interprétés via une classification originale des DAT, croisant niveau technologique et niveau de transformation du système de production. Troisièmement, une analyse comparative de plus de 2 600 ACV d’itinéraires de traitement fongique de vignobles a permis d’explorer la variabilité contextuelle des impacts environnementaux d’un outil d’aide à la décision (OAD) numérique et sa capacité à réduire les impacts environnementaux par rapport à un dispositif de conseil agricole collectif. Deux bases de données de pratiques agricoles ont été utilisée pour les inventaires du cycle de vie, et les résultats des ACV ont été analysés à l'aide d'une analyse en composantes principales et d'analyses de variance. Dans l'ensemble, ce travail démontre le caractère fortement dépendant du contexte de la digitalisation en agriculture. Si les DAT peuvent contribuer à réduire les impacts environnementaux, les résultats dépendent fortement de la technologie considérée, du contexte agricole et des choix méthodologiques retenus en ACV.
Ce travail propose des recommandations pour les praticiens de l'ACV, souligne les défis de l’ACV comparative pour modéliser les changements de pratiques à partir de données du terrain, et éclaire chercheurs, décideurs publics et des développeurs de technologies sur les conditions d’un déploiement vertueux des DAT. Les recherches futures devraient s’attacher à combler les lacunes persistantes en données, intégrer les services immatériels des DAT, affiner les méthodes d'évaluation des impacts pour mieux modéliser les changements de pratiques agricoles, et évaluer le déploiement à grande échelle des DAT.