Enjeux et challenges

Enjeux et challenges

La recherche #DigitAg a été pensée en matrice : d'un côté, la communauté scientifique est organisée en 6 axes. De l'autre, nous avons identifié 2 enjeux sociétaux majeurs liés à l'agriculture, et 8 challenges associés. Ces derniers forment une base opérationnelle ayant pour but de répondre à ces deux enjeux sociétaux.

Marie Gosme (Inrae) mène les challenges de l'Enjeu 1, et Danielle Galliano (Inrae) les challenges de l'Enjeu 2

Enjeu 1 - Améliorer la production agricole par l'usage des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC)

Challenge 1 : Le challenge agroécologique

Les technologies numériques, un levier d'action efficace pour la transition agroécologique

L'agroécologie consiste à employer la biodiversité et les processus écologiques pour concevoir des systèmes de production agricoles efficaces, durables et productifs. Gérer des systèmes plus complexes avec des solutions adaptées aux conditions locales requiert de collecter et traiter un grand nombre d'informations sur leurs composantes biologiques et physiques (plantes, animaux, sol, climat). Les technologies numériques apparaissent alors comme un levier efficace, mais encore sous-estimé, pour la transition agroécologique. Relever ce challenge requiert de développer : de nouveaux capteurs (axe 3), de nouveaux systèmes d'information et nouvelles techniques de traitement des données pour connecter les données locales et globales (axe 4 et axe 5), de nouveaux modèles pour prédire et appuyer la prise de décision (axe 5 et axe 6). La réponse à ce challenge repose aussi sur la coopération avec les sciences sociales (axe 1 et axe 2) pour connecter les processus, les techniques et les personnes, par exemple au travers d'un projet de laboratoire vivant.

Un exemple de recherche serait d'étudier, en se basant sur des études de cas, comment les TIC peuvent être employées pour suivre en continu et évaluer les services écosystémiques afin d'aider les agriculteurs à réaliser leur transition agroécologique, tout en maintenant leur système de culture balancé entre le niveau de production et les services écosystémiques.

Systèmes Méditerranéens (© UMR System)

Axes de recherche impliqués dans le Challenge 1 : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6

Challenge 2 : Le phénotypage rapide

L'intégration numérique des outils et méthodes de phénotypage aide à adapter les idéotypes végétaux aux nouveaux systèmes de production et marchés

Le phénotypage haut-débit des végétaux et des animaux connaît un développement rapide et est un outil efficace pour mettre en place de nouveaux systèmes de production adaptés aux conditions locales. Cependant, jusqu'à présent, les capteurs, les solutions de stockage de données, de traitement de données et les modèles pour le phénotypage avaient été conçus de manières indépendantes, ce qui rend la chaîne de phénotypage trop peu efficace et limite son utilisation hors laboratoire.

Les outils et méthodes doivent être améliorés et standardisés. Par exemple, une meilleure compréhension des physiologies doit être introduite dans le développement de nouveaux capteurs (axe 3) et modèles (axe 6). En parallèle, une approche intégrative est à employer pour la fouille et la réutilisation des données et des connaissances (axe 2, axe 4 et axe 5). Cette intégration numérique des outils et méthodes de phénotypage, couplée avec une compréhension des besoins des agriculteurs et des marchés (axe 1) va permettre de moderniser la recherche opérationnelle pour l'adaptation des idéotypes, in silico, aux nouveaux systèmes de production et marchés.

Exemples de recherches :

  • Comment des modèles génotype-à-phénotype, calibrés en employant les informations du phénotypage haut-débit, peuvent être utilisés pour informer sur les choix variétaux ou pour développer des variétés plus adaptées aux futurs systèmes de cultures;
  • Comment les TIC peuvent aider à lier les données collectées dans les réseaux d'agriculteurs avec des informations génotypiques, pour optimiser les choix variétaux et la gestion des cultures.

Responsable: Pierre Martre (INRAE)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 2 : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6

Challenge 3 : La protection des cultures

Peut-on repenser l'usage des pesticides à partir de services fondés sur les TIC qui combinent des assurances économiques et techniques ?

Réduire l'utilisation des pesticides est un défi majeur qui relève à la fois de la transparence, de la sécurité sanitaire, de la préservation de l'environnement, et de la sécurisation du revenu de l'agriculteur. Des barrières techniques, sociologiques, économiques et organisationnelles empêchent des changements majeurs au niveau des pratiques de protection des cultures et la réduction de l'utilisation de pesticides.

De nouvelles perspectives sont requises. Nous nous proposons de travailler avec une nouvelle hypothèse basée sur la co-construction scientifique interdisciplinaire. Elle est basée sur le fait que "avec la protection des cultures, un agriculteur cherche un revenu et un marché", et donc que "la protection des cultures doit être repensée à travers des services adaptés fondés sur les TIC qui combinent des assurances techniques et économiques". La conception, l'organisation et la mise en oeuvre de tels services se base sur une compréhension de l'aversion aux risques individuels et collectifs, la mise en place de services personnalisés (axe 2), le développement de capteurs adaptés aux besoins (axe 3), des dispositifs de traçabilité (axe 1 et axe 4), des systèmes d'information (axe 4) et des modèles basés sur les données et l'expertise (axe 5 et axe 6).

Un premier objectif de recherche serait d'étudier, concevoir et expérimenter de nouvelles technologies d'évaluation du risque basées sur la combinaison d'informations provenant des personnes et des capteurs, à l'échelle du champ et du bio-climat régional.

Responsable: Olivier Naud (INRAE)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 3 : 1 - 2 - 3 -4 - 5 - 6

Challenge 4 : Des productions animales durables

Des animaux connectés pour des productions animales plus durables

Les productions animales sont un des secteurs agricoles les plus avancé en ce qui concerne les TIC, avec les nouvelles technologies du bétail (puces RFID, capteurs et robots de traites ou d'alimentation). Elle pourrait aussi bénéficier des avancées technologiques en matière de santé connectée. Cet afflux de technologies n'améliore pas que l'efficience productive du bétail, mais cela change aussi la profession d'éleveur en créant de nouveaux liens avec l'animal, et en induisant le besoin d'une transition massive du secteur de l'élevage pour intégrer ces nouvelles approches.

Tandis que les éleveurs utilisent ces dispositifs pour le suivi, les différents acteurs du conseil, de la sélection, du process, et des instituts sanitaires pourraient bénéficier de ces informations à des fins plus larges. Cela soulève des questions qui concernent : la qualité des données, l'interopérabilité (axe 4), l'évolution des modèles actuels pour mieux intégrer les dimensions individuelles et longitudinales des données dans la gestion du bétail (axe 5 et axe 6), les nouveaux objectifs multi-critères pour la performance en élevage (axe 1 et axe 2),. Enfin, au niveau des enjeux sociaux et économiques relatifs à la qualité de vie des éleveurs, il faut étudier la viabilité économique, l'attractivité et l'acceptabilité de ces outils selon le système d'élevage encouragé (industriel vs agroécologique) (axe 2).
Un premier exemple de recherche serait de développer un outil d'aide a la décision pour gérer l'alimentation de précision du bétail et améliorer l'efficience en élevage.

Responsables: Japp van Milgen (INRAE) and Ludovic Brossard (INRAE)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 4 : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6

Enjeu 2 - Une meilleure intégration sociale pour l'agriculture grâce aux TIC

Challenge 5 : Les services de conseil agricole

Comment les technologies numériques font évoluer les services de conseil en agriculture

Le secteur du conseil en agriculture va être profondément altéré par la diffusion des systèmes de conseils employant les technologies numériques..
Tout d'abord, des innovations sont attendues, avec des conseils plus personnalisés et ciblés, basés sur les flux massifs de données analysés en temps réel.
Ensuite, les TIC auront un impact sur l'organisation des services de conseil, qui vont évoluer soit vers des réseaux locaux d'acteurs en collaboration avec des dispositifs des TIC simples, soit vers de grandes firmes de conseil qui gèrent des investissements conséquents pour collecter et traiter les données.
Finalement, seront soulevés les problèmes liés à la propriété intellectuelle et au partage de valeur conséquent.
Les TIC peuvent amener de grands décalages entre agriculteurs, certains stimulés par l'usage de ces nouvelles technologies, tandis que d'autres risquent de devenir dépendants des grandes compagnies pour collecter et traiter les données.
Pour comprendre et anticiper ces problèmes, il y aura besoin de faire appel aux communautés scientifiques, par exemple celles du droit, de la gestion et des sciences sociales (axe 1 et axe 2), de l'informatique et des sciences de l'information (axe 4 et axe 5) et de l'agronomie (axe 6).
Un exemple de recherche serait l'analyse des nouvelles technologies de l'information et de la communication fournissant du conseil à l'échelle de l'exploitation, et les changements dans les pratiques et la prise de décision, selon les spécificités de l'exploitation.

Responsable:  Pierre Labarthe (INRAE)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 5 : 1 - 2 - 3- 4 - 5 - 6

Challenge 6 : La gestion des territoires agricoles

Les agriculteurs peuvent devenir le cœur des systèmes d'information territoriaux

Les données produites par les agriculteurs et autres acteurs qui agissent sur le même territoire peuvent nous aider à optimiser l'usage des ressources collectives pour des intérêts agricoles. Par exemple, les données acquises grâce à une campagne de crowdsourcing peuvent être utilisées pour soutenir les actions agricoles et/ou définir des systèmes de suivi de l'évolution du territoire.
Comment améliorer la collecte de données ? (axe 2 et axe 3). Comment peut-on organiser, gérer (axe 4), exploiter et partager (axe 5) la connaissance cachée dans ces données ? Ces défis majeurs doivent être relevés afin de soutenir le développement d'une information territoriale dans laquelle l'agriculteur joue un rôle essentiel duquel il peut tirer profit.
Un exemple de recherche serait l'étude des données collectées par les agriculteurs au sujet de leurs terrains et de leurs pratiques (itinéraires techniques, présence d'espèces d'intérêt écologique, ...) afin que les gestionnaires du territoire puissent évaluer les services écosystémiques fournis par les espaces de culture. Un autre exemple serait l'étude de la facilitation par le numérique de l'intégration sociale des agriculteurs dans les structures de gouvernance du territoire.

Responsable: Dino Ienco (INRAE)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 6: 2 - 3 - 4 - 5

Challenge 7 : Intégration de l’agriculture dans les chaînes de valeur

Quels défis à relever pour un meilleur positionnement des agriculteurs dans les chaînes de valeur locale et mondiale ?

Au niveau de la production, les avancées dans le domaine de l’automatisation, de la robotique, des technologies de drones et de contrôle à distance permettent de plus en plus le recours à des solutions robotiques télécommandées ou à l’automatisation de certaines pratiques ; une situation qui change les métiers et modifie la vision « traditionnelle » de l’agriculteur et de l’agriculture au sein des chaînes de valeur.

Au niveau de la vente, le e-commerce et le m-commerce (applications numériques pour mobile) offrent des services de vente au détail et de restauration avec livraison à domicile ; un nouveau contexte qui modifie le concept de « marché » comme lieu physique où des individus entrent en relation pour échanger, négocier et réaliser une transaction, mais aussi transforme la manière de communiquer auprès des acheteurs et consommateurs de produits agricoles.

Au regard de la traçabilité et de la transparence sur les prix, l'empreinte écologique et la qualité sanitaire des produits, les technologies de blockchain proposent un accès sécurisé à une information de plus en plus large et complexe ; une opportunité qui soulève aussi de nombreux challenges comme, par exemple, l’utilisation et la valorisation de cette information tout en maitrisant sa diffusion et limitant une appropriation injustifiée par des tiers.

Ces différents défis sociétaux nécessitent une approche pluridisciplinaire qui tire avantage des compétences nécessaires à l'amélioration des systèmes d'information (Axe 4) et à l’extraction de connaissance à partir de masses de données importantes (Axe 5) mais aussi des approches et cadres d’analyse que les sciences humaines et sociales peuvent offrir (Axes 1 et 2) pour permettre un meilleur positionnement de l’agriculteur et de l’agriculture dans les chaînes de valeur et répondre aux attentes des différents acteurs du secteur (producteurs, consommateurs, industries agro-alimentaires, commerces de détail, etc.).

Un exemple de recherche serait le développement de supports numériques capables de mettre en relation producteurs et consommateurs tout en réduisant l’impact environnemental de la vente directe ou en circuits courts des produits agricoles.

Un autre exemple consisterait en la conception d’outils de gestion qui ne se limitent pas au suivi des stocks et à la comptabilité de l’exploitation, mais qui explorent aussi les données disponibles et utilisent la puissance de l’analytique pour proposer des solutions d’aide à la décision tant technique qu’économique, financière et stratégique aux agriculteurs.

Responsable: Magali Aubert (Inrae)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 7:  1 - 3 - 4 - 5

Challenge 8 : Développement agricole au Sud

Comment adapter les outils et services des TIC aux contraintes des agriculteurs dans les Pays du Sud ?

Les Pays du Sud sont très intéressés par l'agriculture numérique, et sont restreints par des contraintes différentes de celles européennes. De nombreuses expériences s'intéressent aux services de conseil en agriculture, d'assurance, de crédit, et d'éducation, mais il reste encore beaucoup à faire au niveau de l'innovation. En particulier, une approche holistique pourrait permettre de mieux comprendre les facteurs clés menant au succès de l'agriculture numérique dans les Pays du Sud. Cela demande donc des recherches pour faciliter le développement de services basés sur des TIC "frugales" telles que les mobiles et smartphones, internet (et blogs audio), et l'imagerie satellite à bas coût.
Des spécialistes de l'innovation (axe 2), des technologies d'acquisition de données (axe 3), des systèmes d'information (axe 4) et de modélisation (axe 6) doivent travailler ensemble à cette fin, afin de définir un modèle de développement permis par les TIC qui satisfasse à la fois aux besoins des agriculteurs lettrés ou illettrés.
Un exemple de recherche serait l'analyse des nouveaux services aux agriculteurs fournis par les organismes de conseil, et la conception d'un modèle économique qui soutienne de tels services.

Responsable: Mathieu Roche (Cirad)
Axes de recherche impliqués dans le Challenge 8: 2 - 3 - 4 

Date de modification : 10 avril 2024 | Date de création : 08 août 2022 | Rédaction : EM